
Comme nous l’écrivons à longueur d’articles, l’hélicoptère est devenu, au fil du temps et grâce à l’hélitreuillage, le principal moyen de secours des âmes en perdition, singulièrement en terrain accidenté et en haute montagne. Cependant, un événement récent ouvre des perspectives à l’utilisation de moyens plus légers, mais tout aussi efficaces et, surtout, d’un emploi beaucoup plus économique…
UN ÉVÉNEMENT FONDATEUR
Le lundi 6 octobre 2025, deux alpinistes expérimentés, Cyril Espuga, âgé de 53 ans, et Arnaud, âgé de 27 ans, tous deux originaires de la commune où se déroulent les faits, s’élancent à l’assaut de la Cascade du cirque de Gavarnie (65/Hautes-Pyrénées).
Malheureusement trop confiants, les deux hommes ont sous-estimé la difficulté de l’ascension : « On est partis trop tard dans la journée. Je ne connaissais pas cette voie, je ne l’avais jamais faite » avoue Cyril Espuga, l’un des deux alpinistes joint par France 3 Occitanie. « Et avec une seule frontale pour les deux… »
Ce qui devait arriver arrive. Vers 20 h 30, surpris par la nuit, les grimpeurs en perdition appellent la CRS Montagne toute proche et annoncent qu’il sont bloqués dans la paroi, à plus de 2 000 mètres d’altitude, sans le kit de survie nécessaire.

UNE PREMIÈRE
Étant donné les circonstances, impossible d’utiliser l’hélicoptère, surtout de nuit, car un hélitreuillage si près de la paroi conduirait potentiellement à un accident. Il s’agit donc d’innover en utilisant un drone aérien, en l’opérant depuis la terrasse de l’Hôtellerie du cirque, en ligne directe de ladite paroi.
Décollant à 21 heures, l’appareil s’approche au plus près des naufragés pour leur livrer les ponchos de spéléologie leur permettant d’affronter des températures déjà négatives, le froid étant encore accentuées par l’humidité. Seulement, lesdits ponchos pesant 180 g et la capacité d’emport du drone n’étant que de 300 g, il faut deux rotations pour livrer les effets accrochés au bout d’une cordelette de quatre mètres de long. Fort heureusement équipé d’une caméra thermique et guidé par la lampe frontale des naufragés, le drone réussit à s’approcher aux plus près de ces derniers.
Vidéo : https://x.com/i/status/1976258236597612886
Au petit matin le lendemain, les secours hélitreuillent les rescapés puis les déposent en lieu sûr. Les deux hommes sont indemnes. « Même si je suis habitué à passer des nuits en montagne, on a eu de la chance », reconnaît Cyril Espuga…

Ce succès constitue une première dans les Pyrénées, voire en France, et ouvre des perspectives pour l’usage du drone dans le secours en montagne.
COMPLÉMENT D’ENQUÊTE
De l’entretien téléphonique avec un CRS de montagne de Gavarnie le jeudi 9 octobre 2025 à 14 h 45, il ressort que le drone utilisé est un DJI Mavic 2 « Advanced » en dotation dans la Police nationale pour effectuer de la reconnaissance et de la recherche, ainsi que de la prise de vue pour l’établissement de constats. Le principal défaut de ce drone est sa faible autonomie, une vingtaine de minutes tout au plus, mais ce modèle a été déverrouillé pour voler à moyenne altitude.

Pour remplir leur mission, les sauveteurs sont montés en véhicule 4 X 4 jusqu’à la terrasse de l’hôtel, d’où ils avaient un visuel direct sur les naufragés grâce à la caméra thermique.
À la fin de l’année 2025, ce matériel obsolescent devrait être progressivement remplacé par le DJI « Matrice 4T », d’une autonomie affichée à 49 minutes, peut-être 35’ seulement en montagne. Aucune indication n’a pu être trouvée sur la capacité d’emport de l’engin…
BILAN ET PERSPECTIVES
Si le sauvetage relaté par FR3 Occitanie représente une véritable avancée au plan local, régional et national, il s’agit cependant d’un exploit très modeste en regard des perspectives offertes par les drones du futur.
En effet, dans une autre vie, j’ai été amené à rédiger un concept opérationnel traitant de l’emploi d’un drone à voilure tournante d’environ cinq mètres de long, pouvant emporter 300 kilos de charge utile, capable de voler entre deux et 17 heures en fonction du poids à emporter avec un rayon d’action de 350 kilomètres, pour une consommation extrêmement raisonnable de 20 litre d’essence sans plomb SP 98, ou de 22 litres de bioéthanol par heure de vol. Outre un emploi militaire évident, cet appareil pourrait avoir un usage civil dans nombre de domaines, sans pour autant se substituer aux hélicoptères de secours à l’autonomie relativement faible, embarquant des équipages à l’endurance limitée et au coût de l’heure de vol prohibitif.
En montagne, cet appareil pourrait sans relâche patrouiller ou explorer de larges étendues pendant plusieurs heures, donner des consignes par haut-parleur aux personnes égarées ou blessées, et leur délivrer aussi bien des vivres que des boissons, des médicaments, ou des effets chauds, etc. À l’extrême limite, en équipant sa nacelle de sièges ergonomiques et de ceintures de sécurité aéronautiques, les sauveteurs pourraient, à distance, évacuer et mettre en sécurité plusieurs personnes en une seule rotation… Mais tout ceci est une autre histoire.
SOURCES
- VIDÉO. Grâce à un drone, les secours en montagne larguent du matériel de survie à deux grimpeurs bloqués par la nuit à 2000 mètres d’altitude
- TÉMOIGNAGE. « Ça valait bien un hôtel 4 étoiles « : l’alpiniste secouru par un drone équipé de ponchos de survie raconte sa folle nuit
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