Pour leur deuxième expédition aérienne à la pointe méridionale de l’Amérique du Sud, les deux compères entreprennent de survoler les glaciers géants et les lacs argentin avec leur hydravion
(référence/Photo sublimée et colorisée).

Avec la fin de la Première Guerre mondiale, nombreux sont les aviateurs militaires à perdre leur emploi, quand ce n’est pas leur raison de vivre. L’une des seules solutions s’offrant à eux consiste à mettre leurs talents au service de l’industrie cinématographique naissante, à organiser des meetings et des spectacles aériens ou à lancer des entreprises aériennes à caractère purement commercial. D’autre enfin se lancent à la découverte des dernières contrées lointaines encore inexplorées, aussi bien en Afrique, en Asie, en Océanie que sur les Pôles. Aujourd’hui, intéressons-nous à l’Allemand Gunther Plüschkow, qui choisit de survoler la pointe méridionale de l’Amérique du Sud en hydravion afin de constituer une base d’images destinée à illustrer, entre autres, les récits de ses exploits…

JEUNESSE

Né à Munich (Bavière) le samedi 8 février 1886, Gunther Plüschow est le petit-fils de Friedrich Carl Eduard Plüschow (1808-1879), fils illégitime du duc Friedrich Ludwig von Mecklembourg-Schwerin (1778-1819), propriétaire du domaine de Plüschow, situé au nord de la ville de Schwerin.

L’enfant passe ses premières années à Rome, où son père est directeur de musée. Il entre au collège jésuite français en 1891, puis la famille retourne en Allemagne lorsqu’il a dix ans. Il étudie ensuite au collège de Bünde, en Westphalie, et entre, le jeudi 1er avril 1897, au lycée naval de Plön, dans le Schleswig-Holstein puis, en 1901, à la prestigieuse école de la marine impériale. Outre l’allemand, il parle le français, l’italien, l’anglais et, plus tard, l’espagnol.

Il passe avec succès les étapes suivantes :

  • École des cadets (à partir de 1898) ;
  • Seekadett (élève-officier de la Marine, à partir de 1904) ;
  • Soldat (1904-1919) ;
  • Leutnant zur See (enseigne de vaisseau, à partir de 1907) ;
  • Oberleutnant zur See (lieutenant de vaisseau, à partir de 1909)…

À la veille de la Première Guerre mondiale, il entame une formation de pilote d’avion.

L’ÉPISODE CHINOIS

Contexte international

En 1914, Plüschkow est envoyé comme pilote à Tsingtao (Tsingtau en allemand), alors concession allemande en territoire chinois. Un petit avion Etrich Taube (Colombe) est expédié par bateau depuis l’Allemagne, l’aviateur l’assemble et prend ses fonctions d’observateur aérien…

Un avion Etrich Taube (Colombe) en vol (référence).
Portrait du pilote militaire aux commandes de son Etrich Taube (référence/Photo sublimée et colorisée).

En guerre contre le Japon

L’entrée en guerre du Japon, le samedi 15 août 1914, et son exigence d’une capitulation sans condition du port et de la forteresse de Tsingtao, change rapidement la situation. Grâce à ses audacieuses missions de reconnaissance, de bombardement et de combat aérien (il abat un appareil ennemi), il gagne le surnom de Pilote de Tsingtao. Malheureusement, l’armée japonaise assiège la ville pendant deux mois et, après une lutte désespérée, les Allemands capitulent finalement le samedi 7 novembre 1914. La veille, le lieutenant Plüschow réussit à s’envoler aux commandes de son avion et devient ainsi le seul Allemand à s’échapper de la ville. Dans son premier livre, il note :

« Il n’y avait plus de temps à perdre. Le terrain d’aviation était devenu extrêmement dangereux à cause du bombardement incessant par les obus et les éclats d’obus.

Une fois de plus, j’ai examiné ma machine, serré la main de mes hommes, caressé la tête de mon chien fidèle, puis j’ai ouvert les gaz et mon « Taube » s’est enfoncé comme une flèche dans la nuit.

Soudain, alors que j’étais à environ 30 mètres au-dessus du centre de l’aérodrome, ma machine encaissa un choc effrayant, et je pus l’empêcher de s’écraser seulement en mettant toutes mes forces en avant. Une grenade ennemie venait d’éclater et le souffle causé par l’explosion m’a presque plaqué au sol. Mais, Dieu merci, un grand trou dans mon aile gauche, causé par un éclat d’obus, était le seul dommage.

La grêle habituelle d’éclats d’obus a suivi — mes derniers adieux des Japonais et de leurs alliés anglais. »

Une fois sorti d’affaire, Plüschow fonce vers le sud-ouest et la ville de Haichow (maintenant Lianyungang). En tant que territoire neutre, la Chine est synonyme de sécurité, du moins sur le papier. En effet, au début de la guerre, les dirigeants de la Chine – espérant éviter de s’empêtrer dans ce conflit coûteux et sanglant – ont judicieusement choisi la neutralité ; avec la chute de la dynastie Qing quelques années auparavant, ils sont pleinement préoccupés par les questions de politique intérieure et, avec les indemnités versées aux grandes puissances en guise de punition pour la révolte des Boxers entre 1898 et 1900, ils peuvent difficilement se permettre de nouvelles dépenses. Malgré sa neutralité, la Chine est plus étroitement liée aux Alliés par le commerce, l’investissement et les nombreux ports visés par le traité, ce qui la favorise par rapport aux Allemands, par exemple, en permettant l’envoi de travailleurs chinois en France. En août 1917, la Chine décide de mettre fin à sa neutralité et, quatre mois après l’entrée en guerre des États-Unis d’Amérique, rejoint officiellement le camp des futurs vainqueurs… supposés.

L’enclave de Tsingtau et de la baie de Kiautschou contrôle la mer Jaune et le golfe de Corée (référence).

Au matin du vendredi 6 novembre 1914, son avion en panne sèche, Plüschow s’écrase dans une rizière près de Haichow. Une foule de paysans se rassemble bientôt, se pressant dans l’émerveillement. Plüschow dit qu’ils « étaient tous convaincus que j’étais un Esprit du Mal déterminé à leur destruction. Alors, quand je suis sorti de ma machine et que j’ai essayé de leur faire signe, il n’y avait aucun moyen de les retenir. Ils se sont tous enfuis, hurlant et criant, les hommes d’abord, laissant les enfants qui sont tombés en arrière comme des offrandes de paix au diable. »

Encouragés par quelques pièces de monnaie, les badauds reviennent et aident Plüschow à redresser son avion. Émergeant de la foule, le Dr Lorenzo Morgan, un missionnaire-médecin américain, le salue, l’invite à rencontrer les autorités locales et propose ses services comme traducteur.

L’internement

L’Allemand est ensuite conduit à la Nankin, où il se retrouve de facto en résidence surveillée. Là, il peut lire un exemplaire du Shanghai Times, curieux de connaître le sort de la garnison de Tsingtao. Plüschow, qui parle couramment l’anglais, est scandalisé par les manchettes du type « … LÂCHEMENT CAPITULÉ », « LA FORTERESSE PRISE SANS UN COUP DE FEU », ou « LA GARNISON IVRE SE LIVRE AU PILLAGE ». Il faut dire que ce journal appartient à un Britannique relayant la propagande japonaise moyennant finances. Après avoir lu le faux récit de la chute de Tsingtao, Plüschow jette le journal avec dégoût. Se rappelant sa colère et son innocence, il écrira plus tard : « Ah, mais je ne connaissais pas les journaux anglais alors ! Plus tard, à Shanghai, et aussi en Amérique, j’ai dû m’habituer à bien pire de la part de la presse américaine, sans parler des Anglais. »

Une victoire aérienne contestée

Comme l’indique le présentateur de la vidéo ci-dessous, notre héros pourrait être le premier aviateur a avoir remporté un combat aérien en abattant un appareil japonais à coups de revolver :

0:38

Or, pour Wikipédia, « le combat aérien du 5 octobre 1914 est le premier combat aérien de l’histoire qui se termine par la victoire d’un des protagonistes. Il a lieu dans la région de Reims (France) le 5 octobre 1914, au début de la Première Guerre mondiale. Le caporal français Louis Quenault, à bord d’un Voisin III piloté par le sergent Joseph Frantz, abat un Aviatik allemand. »

D’après l’article Wikipédia consacré à Gunther Plüschow, « lors d’un vol de reconnaissance, il rencontra un avion japonais, qu’il poursuivit et, pense-t-il, abattit d’un tir de 30 coups de son pistolet Parabellum. »

L’exploit supposé de l’Allemand n’étant pas pas daté, ni confirmé, ni homologué, c’est donc bien au Français Louis Quenault que doit être attribuée la première victoire en combat aérien de l’Histoire…

DES ÉVASIONS ÉPIQUES

Échappant à ses gardiens à Nankin, Plüschow se rend à Shanghai. Il se cache et, le dimanche 5 décembre 1915, sous le pseudonyme américain de McGarvin, part pour San Francisco (Californie). Devenu une célébrité pour ses exploits aériens à Tsingtao et pour son évasion audacieuse, l’Allemand a beaucoup de difficulté à protéger son anonymat, et sa « couverture » est révélée par un journaliste américain au milieu du voyage. Arrivé à New York et prêt à entreprendre la prochaine étape de sa longue cavale, c’est-à-dire la traversée de l’Atlantique Nord, il doit assumer une nouvelle identité, suisse cette fois-ci.

Il pense arriver à bon port quand il est arrêté à Gibraltar, territoire britannique, immédiatement expédié en Angleterre et interné dans une série de camps de prisonniers de guerre, dont le dernier se situe à Donington Hall, dans les Midlands. Le mardi 6 juillet 1915, peu après minuit, il parvient à s’évader avec un autre officier. Son compagnon est bientôt appréhendé mais Plüschow poursuit sa cavale pendant une semaine, échappant à la police et à l’œil vigilant du public alerté par des affiches et les journaux.

Le camp de prisonniers pour officiers de Donington Hall (Midlands) a tout d’un palace de luxe (référence/Photo sublimée et colorisée).

Voici la description que la police fait du fugitif dans le Daily Chronicle. Plutôt que de s’en tenir au stéréotype selon lequel les Britanniques ont des problèmes dentaires, le journal avertit les citoyens qu’on recherche un fugitif qui a « de très bonnes dents ». Comme noté également, Plüschow possède un tatouage de dragon chinois sur son bras gauche, un détail qu’il prend évidemment soin de bien dissimuler. Ses cheveux blonds sont bientôt teints en noir et gominés avec une application de vaseline, de vernis de botte et de poussière de charbon. Un changement de vêtements et un bain de poussière de charbon transforment l’officier « intelligent et élégant » en ce qu’il décrit lui-même comme « un parfait prototype du « docker » en grève ».

À Londres, le fugitif se transforme en parfait docker afin d’embarquer sur un navire néerlandais (référence/Photo sublimée et colorisée).

Après une semaine de cavale et plusieurs tentatives infructueuses, Plüschow réussit à s’enfuir clandestinement sur un navire hollandais à destination de Vlissingen, aux Pays-Bas, alors neutres. Il rejoint l’Allemagne par train en août 1915, mais est immédiatement arrêté par la police militaire, qui le suspecte d’espionnage. Ces accusations rapidement levées grâce à ses contacts dans la hiérarchie de la police, il est remis en liberté puis est célébré en héros. N’est-il pas le seul Allemand a avoir réussi, par deux fois, à se soustraire à la captivité ? Un exemple susceptible d’encourager d’autres vocations d’évadés ?

Pendant le restant de la guerre, Plüschow, une fois promu Kapitän-Leutnant (lieutenant-capitaine, ou lieutenant ancien), commande une base d’aéronautique navale, les autorités ne souhaitant pas qu’un pilote aussi célèbre risque la capture ou la mort.

L’aviateur est le seul militaire allemand de l’histoire a s’être échappé des geôles anglaises (référence).

UN RÉCIT À SUCCÈS

En 1917, alors qu’il est encore en service et que l’Allemagne est toujours en guerre, Gunther Plüschow publie un ouvrage relatant ses campagnes en Chine intitulé Die Abenteuer des Fliegers von Tsingtau (Les aventures de l’aviateur de Tsingtau), qui se vend à plus de 700 000 exemplaires et lui assure une renommée mondiale, ainsi que des revenus.

En effet, cette œuvre est même publiée en langue anglaise dès 1922 sous le titre décevant My Escape from Donington Hall (Mon évasion de Donington Hall). Rééditée en mars 2014 sous le titre The Aviator of Tsingtao (L’aviateur de Tsingtao) par Camphor Press, cette édition d’e-book présente des notes aidant les lecteurs modernes, y compris des annotations tout au long du texte, des photographies supplémentaires.

Cette réédition est précédée d’une introduction de l’auteur britannique Anton Rippon, dont la biographie de 2009, intitulée Gunther Plüschow, Airman, Escaper, Explorer (Gunther Plüschkow, aviateur, évadé, explorateur), constitue le travail de référence sur cette figure remarquable. L’aviateur de Tsingtao est disponible sur www.camphorpress.com et sur Amazon.

IMMÉDIAT APRÈS-GUERRE

Plüschkow quitte le service actif en 1919 et, comme la plupart des anciens officiers de l’armée impériale allemande, il cherche sa voie…

La croisière s’amuse

Enfin, en 1925, Plüschow, alors capitaine d’un yacht de luxe ayant port d’attache dans le nord de l’Italie, met en avant les quatre galons dorés ornant les manches de sa veste de bord bleue et accueille chacun des passagers dans sa langue maternelle. Au cours de l’une de ces croisières, il rencontre un armateur qui lui propose de prendre le commandement d’un voilier en partance pour l’Amérique du Sud. En acceptant avec enthousiasme cette proposition, Plüschow se rapproche du pays de ses rêves et, en prévision de ce voyage, convient avec la maison d’édition Ullstein, à Berlin, que celle-ci publiera ses notes de voyage à son retour.

L’aviateur de Tingtau en grand uniforme de Kapitänleutnant (référence).

Première expédition navale

En 1925, Plüskow quitte Hambourg à bord du quatre-mâts barque Parma pour effectuer sa première expédition en Amérique du Sud.

Ce voyage, qui l’amène au Chili, au Pérou et en Équateur, est décrit en détail dans le livre Segelfahrt ins Wunderland (Navigation au pays des merveilles). Publié en 1926, l’ouvrage porte le titre provisoire Mit der Klapperkiste bei Kap Horn (Avec ma machine à écrire [Remington Rand] près du cap Horn). À sa sortie, le livre et le film reçoivent le même titre, de sorte que le public allemand puisse établir le lien entre eux. Dès la fin de l’été 1927, en préparation de la grande expédition de Plüschow, Ullstein – Verlag (Ullstein Éditions) achète les droits de préimpression de son troisième livre.

Le dimanche 27 novembre 1927, Plüschkow embarque à bord du navire expéditionnaire Feuerland (Terre de Feu), entre Büsum (Schleswig-Holstein) et Punto Arenas (Chili), à la pointe méridionale de l’Amérique du Sud. Chemin faisant, Plüschow fait escale en plusieurs points de la côte orientale de l’Amérique du Sud, dont Bahia, Rio de Janeiro et Buenos Aires.

1928 / Le voilier Feurland (Terre de feu) sur l’océan Atlantique (référence/photo sublimée et colorisée).

Pour assurer la promotion de sa propre entreprise et gagner un peu d’argent, Plüschow emporte toujours plusieurs exemplaires de ses ouvrages dans ses bagages. En 1928, en route vers le bout du monde, il dédicace ce livre au fils d’une famille allemande vivant au Brésil, alors âgé de 10 ans. Lorsque la famille doit quitter le Brésil pour l’Allemagne dans les années 1940, le jeune homme emporte avec lui ce souvenir important.

Première expédition aérienne en terre de Feu

Arrivé à Punto Arenas (Magallanes) en décembre 1928, Plüschow et Ernst Dreblow, son ingénieur aéronautique, assemblent l’hydravion Heinkel HD 24 W construit à Warnemünde et arrivé en pièces détachées (dans des caisses) à bord du paquebot Planet.

L’aviateur et son ingénieur de bord pendant le montage de leur appareil à Punto Arenas, au Chili (référence/Photo sublimée et colorisée).
Ernst Dreblow, l’ingénieur aéronautique, procède au montagne du HD 24 W Tsingtau 
(référence/Photo sublimée et colorisée).

De là, ils partent en expédition à travers la Terre de Feu, sont fascinés par la beauté écrasante de la glace de Patagonie et se mettent souvent dans des situations périlleuses. Ils sont les premiers à revenir de leurs vols portant des photos et du matériel cinématographique des régions d’Amérique du Sud qui n’ont pas encore été explorées.

L’une des toutes premières vues aériennes de la cordillère Darwin (référence/Photo sublimée et colorisée).

Plüschow passe environ huit mois dans la partie la plus méridionale de l’Amérique du Sud. Ils retourne en Allemagne en juillet 1929, où il publie un nouvel ouvrage intitulé Silberkondor über Feuerland (Condor d’argent en Terre de Feu), ainsi qu’un documentaire portant le même titre, célébré comme le tout premier long métrage documentaire s’affichant sur le Kurfürstendamm de Berlin.

Au début de l’été 1929, lorsque le pilote de la Terre de Feu arrive en Allemagne, l’auteur et la maison d’édition sont très pressés. Ullstein ayant investi beaucoup d’argent dans l’expédition, il attend un retour sur investissement. De son côté, l’auteur a besoin de nouveaux capitaux et de publicité pour lancer de nouveaux projets. Segelfahrt ins Wunderland ne s’étant vendu qu’à seulement 20 000 exemplaires, le livre et le film sur la grande expédition de Plüschow doit impérativement connaître un meilleur succès.

Mise à l’eau de l’appareil après montage (référence/Photo sublimée et colorisée).
Ersnt Dreblow, Gunther Plüschow et leur Schnauzer Schnauf devant l’hydravion Tsingtau en Terre de feu (référence/Photo sublimée et colorisée).
Le biplan Heinkel D 24 W Tsingtau immatriculé D-1313 dans un décor idyllique (référence/Photo sublimée et colorisée).

LE VOL VERS L’ÉTERNITÉ

Plüschkow retourne en Amérique du Sud en 1930 pour ce qui sera malheureusement sa deuxième et dernière expédition en compagnie de son fidèle Dreblow. Cette fois-ci, il s’agit de voler vers le Nord, jusqu’à El Calafate, dans la province argentine de Santa Cruz, afin d’effacer les dernières taches blanches de la carte et pour y filmer le glacier Perito Moreno.

Comme lors de la première expédition, Dreblow arrive en Patagonie avant Plüschow. Quand il voit le HD 24, qui a été entreposé à la glacière (Frigorifico) de Puerto Bories (Patagonie chilienne), il est horrifié. Les rats ont détruit les barres, des parties de la toile sont gravement endommagées. En fait, l’avion n’est plus qu’un amas de ferraille. Lorsque Plüschow arrive, ils entreprennent, ensemble, de remettre le Condor d’argent en état de vol. Après un travail colossal, le HD 24 W est fin prêt.

Dans une lettre à sa femme, restée à Berlin, il écrit, le 13 novembre 1930 :

« Hourra, hourra, nous sommes enfin prêts avec le Condor d’argent… Des amas de décombres, du bazar où nous avons trouvé l’avion, le Condor d’argent surgit maintenant comme un phénix renaissant de ses cendres et ressuscité brillamment, n’est-ce pas un signe visible du destin ? » (I.P.).

Au cours des semaines suivantes, Plüschow et Dreblow bénéficient d’une météorologie magnifique avec, cependant, des séquences pluvieuses et de tempête.

Vue d’un glacier se jetant dans un lac (référence/Photo sublimée et colorisée).
Quand bras de mer, glaciers et montagnes s’enchevêtrent (référence/Photo sublimée et colorisée).
Un glacier tombant à pic dans l’océan. Quel contraste avec aujourd’hui !
(Référence/Photo sublimée et colorisée).

Le 26 janvier 1931, le biplan recouvert de toile est pris dans un tourbillon d’air et doit se poser sur l’un des innombrables lacs de montagne. Le 28 janvier 1931, après des efforts incroyables, Plüschow et Dreblow réussissent enfin à décoller vers l’aérodrome du Lago Argentino.

Malheureusement, vers 5 heures du matin (heure australe), à l’approche du plan d’eau, l’appareil tombe en raison d’un défaut technique dans le Brazo Rico (le bras Rico), non loin du glacier Perito Moreno.

L’épave du Heinkel HD 24 W Tsingtau D-1313 est retrouvée flottant sur le lac Argentino, en Argentine (référence/Photo sublimée et colorisée).

L’annonce dans la presse

Le samedi 31 janvier 1931, les lecteurs de presque tous les quotidiens allemands apprennent la disparition tragique du héros. La nouvelle du décès du célèbre Pilote de Tsingtau secoue non seulement ses compatriotes, mais aussi les Argentins et les Chiliens. Tous les articles des quotidiens allemands rappellent ses aventures en Extrême-Orient et sa cavale à travers le monde entier. La plupart du temps, les photos illustrant les articles le montrent en grand uniforme de la marine impériale ou en vol avec Ernst Dreblow. Cependant, quelques jours plus tard, la maison d’édition Ullstein publie dans la Berliner Illustrirte Zeitung, en mémoire de son ancien collaborateur, une nécrologie graphique qui ne peut guère être dépassée en termes de dramaturgie macabre :

« La mort dans les airs, en hommage à Gunther Plüschow », dessin de Theo Matejko (référence).

Retrouvées près du rivage, leurs dépouilles sont transférées en Allemagne, où des milliers de personnes accompagnent le cortège funéraire de Plüschkow au cimetière boisé de Berlin-Lichterfelde.

Les funérailles du pilote de l’extrême Sud au cimetière de Berlin-Lichterfelde
(référence/Photo sublimée et colorisée).
En 1938, l’urne contenant les cendre d’Ernst Dreblow est transférée au Rathenower Waldfriedhof (référence/Photo sublimée et colorisée).

Ernst Dreblow repose dans un premier temps dans le même cimetière que Plüshkow. La pierre tombale porte le nom d’Ernst Dreblow ainsi que l’inscription suivante : « Né le 12.12.1892, est mort le 28.01.1931 avec Gunther Plüschow en s’écrasant sur la Terre de Feu – Expédition 1931 ». Agrémentée d’une hélice, sa pierre tombale, ainsi que l’urne contenant ses cendres, sont transférées vers l’Abteilung (Section) III du Rathenower Waldfriedhof. En 1949, son épouse Paula, remariée sous le nom de Gude, est inhumée à ses côtés. De nos jours, l’hélice a disparu…

La tombe du pionnier allemand au cimetière de Berlin-Lichterfelde, Thuner Platz 2-4 
(référence/Photo sublimée et colorisée).

POSTÉRITÉ

Gunther Plüschow entre dans l’Histoire comme le premier aviateur à survoler les montagnes de Patagonie, du Chili et d’Argentine jusqu’en Terre de Feu. Il est aussi le premier, avec son ingénieur Ernst Dreblow, à amerrir dans la baie d’Ushuaïa, le lundi 3 décembre 1928.

Un monument est érigé sur le lieu du crash, dans la partie argentine de la Patagonie, où l’on rend encore régulièrement hommage aux deux pionniers. Une réplique grandeur nature de leur Heinkel HD 24 W Tsingtau D-1313 a été reconstituée à Puerto Madero, près de Buenos Aires. Elle est aujourd’hui exposée à l’Aeroclub Ushuaia, dans la province de Terre de Feu, Argentine. Une nouvelle réplique est en cours de construction pour être exposée, à terme, à El Calafate, Province of Santa Cruz (Argentine), où elle sera exposée dans le Glaciarium.

Une maquette grandeur nature de l’avion est explosée, avec l’hélice originale, sur la base navale d’Ushuaïa (référence).

De nos jours, Gunther Plüschow est encore honoré comme un héros par la Fuerza Aérea Argentina (FAA) alors qu’il est un parfait inconnu dans son Mecklembourg natal.

C’est pourquoi l’excellent site Internet www.Gunther-Plueschow.de s’est assigné pour mission de rassembler tous les éléments relatifs à ce pilote et à ses expéditions en compagnie de Dreblow.

ERNST DRELBOW

Ernst Fritz Karl Otto Dreblow naît à Schmargendorf (commune intégrée à Berlin en 1920) le 12 décembre 1892. On ne dispose que de très peu d’informations sur sa jeunesse, ses études et sa formation, mais l’intéressé servant dans la Kriegsmarine pendant le Premier conflit mondial, il a peut-être rencontré Plüschow, à cette époque.

On peut lire sur Internet qu’il a travaillé comme ingénieur de recherche dans les usines Askania Werke de Berlin, spécialisées dans la mécanique de précision et dans l’optique, dès le début des années 1920. Ce qui est certain, c’est qu’âgé de 34 ans, Ernst Dreblow fait partie, dès l’été 1927, de l’expédition en Terre de Feu, son employeur lui ayant accordé un congé pour accompagner Plüschkow.

En tant qu’expert aéronautique, Dreblow est chargé de tester le HD 24 W

Gunther Plüschkow et Ernst Dreblow préparent leur mission sur la carte
(référence/Photo sublimée et colorisée).

ANALYSE

L’histoire de Gunther Plüschkow est assez emblématique du destin de certains aviateurs de la Première Guerre mondiale, réduits à faire des numéros de cirque aérien (comme Ernst Udet, par exemple) ou à devenir de simples employés des firmes aéronautiques existantes (comme Jean Mermoz, par exemple). Paradoxalement, peu d’entre eux ont le cran de créer leur propre compagnie aérienne et d’affronter la concurrence.

Dans cette constellation, l’aviateur allemand accumule les handicaps. Enfant d’un pays vaincu, d’un empire continental déchu et d’un empire colonial perdu, il ne doit sa survie, dans un premier temps, qu’à la publication de ses aventures en Extrême-Orient et au récit de sa longue cavale à travers trois continents. Il ne lui reste donc plus que les expéditions permettant de défricher les dernières contrées encore vierges de ce monde en pleine mutation. Cependant, quand le Suisse Walter Mittelholzer, qui relie le lac de Zurich à la ville du Cap (Afrique du Sud) en survolant toutes les colonies britanniques de l’Est africain (et ce qui deviendra, bien plus tard, le Kilimandjaro) fait figure d’industriel de la photographie aérienne, l’Allemand en reste au stade de l’artisanat…

Enfin, l’entreprise de Plüschkow a cela de particulier que l’ancien marin et aviateur militaire met en œuvre un hydravion, chaussé de ce que l’on pourrait qualifier de skis nautiques, et non de roues et/ou de skis pour atterrir sur neige ou sur glacier. Ce choix peut sembler paradoxal pour un découvreur de terres vierges, mais il se justifie pleinement lorsqu’on étudie le terrain. En effet, en Patagonie comme en Terre de Feu, aucun moyen de défricher des altisurfaces ou des aires de posé utilisables. Pour ce qui est des glaciers, les photos montrent qu’ils sont déchiquetés et parsemés de crevasses. Il faudrait être fou pour tenter de s’y poser. Finalement, le concept de Plüschkow est le bon : utiliser les plans d’eau, en mer ou en montagne, pour se poser sans encombre. Chapeau !

ÉPILOGUE

Poursuivi en Chine, vénéré en Amérique du Sud, presque oublié en Allemagne, Gunther Plüschow restera comme le premier pilote à survoler le cap Horn, les Torres del Paine et la cordillère Darwin.

Avec son compagnon, Ernst Dreblow, il rapporte les premières photographies des régions jusque-là inexplorées de la partie la plus méridionale de l’Amérique du Sud.

Aujourd’hui, les prises de vues de Plüschow représentant les glaciers de Patagonie à la fin des années 1920 témoignent de l’état des glaciers avant leur fonte spectaculaire ou leur disparition, ce qui ne fait que renforcer leur intérêt…

Éléments recueillis par Bernard Amrhein

Portrait officiel du pilote en 1927, qui se présente comme capitaine en retraite (référence).
Récapitulatif des déplacements de l’aviateur à travers le monde (référenc de la carte).
Un poster dédié à l’explorateur est disponible dans la collection des affiches Hoorn Vintage (référence).

SOURCES

BIBLIOGRAPHIE

Biographie (de) Gunther Plüschow, Die Abenteuer des Fliegers von Tsingtau (Les aventures de l’aviateur de Tsingtau), Ullstein-Verlag, Berlin, 1916.

Une authentique histoire d’aventure et d’évasion des premiers jours de la Première Guerre mondiale : dans Les aventures de l’aviateur de Tsingtao, le jeune lieutenant de vaisseau et pilote passionné Gunther Plüschow décrit ses expériences lors de la défense de la forteresse allemande sur le continent chinois en 1914. Alors que les troupes japonaises continuent d’avancer, Plüschow, de l’armée de l’air impériale, vole inlassablement mission après mission. Après la conquête de Tsingtau, il évite la captivité japonaise et s’envole avec les documents secrets de la colonie en poche : une odyssée aventureuse à travers trois continents commence… Les aventures de Plüschow, racontées de manière vivante et palpitante, publiées pour la première fois en 1916, ont été traduites en anglais et vendues à plus de 700 000 exemplaires. ‘Les Aventures de l’aviateur de Tsingtao’ est l’un des 10 livres allemands les plus vendus entre les années 1915 et 1940.

Jacques Mortane, Évasions d’aviateurs, Éditions Baudinière,Paris, 1929, pp.292 à 319.

Gunther Plüschkow, Segelfahrt ins Wunderland, réimpression de l’original de 1926.

Gunther Plüschow, My escape from Donington hall, preceded by an account of the siege of Kiao-Chow in 1915 (lire en ligne [archive])

PAGES DE COUVERTURE DE LA BERLINER ILLUSTRIERTE ZEITUNG

VIDÉOTHÈQUE

  • Gunther Plüschow y su Timonel Paul Christiansen

2:07:38

  • Gunther Plüschow: true story

0:38

  • The History of Günther Plüschow, the Conqueror of the Patagonia

15:21

  • The History of Günther Plüschow, the Conqueror of the Patagonia (part 2)

9:24

  • Gunther Plüschow – Por Roberto Litvachkes, autor del Libro PLUSCHOW SECRETO

6:26

  • Gunther Plüschow 6

https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=jzqufx1-HvQ&embeds_euri=https%3A%2F%2Fforum.awd.ru%2F&feature=emb_imp_woyt&ab_channel=robertolitvachkes 

0:35

  • 2/3 Proyecto Réplica escala real avión Gunther Plüschow – Video 2/3

3:29

  • Vuelo de Pluschow

3:29


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *