Jean Boulet a marqué la seconde moitié du XXe siècle en testant les prototypes de la plupart des hélicoptères français (référence).

Aujourd’hui, nous rendons hommage à un pilote d’essais français, malheureusement trop discret et, donc, trop méconnu, qui a testé la majeure partie des hélicoptères nationaux de la deuxième moitié du XXe siècle et a établi des records d’altitude toujours valides. Ce pilote d’essais hors pair, pionnier du sauvetage en montagne par hélicoptère, c’est Jean Boulet, décédé à l’âge de 91 ans…

SYNOPSIS

Né le mardi 16 novembre 1920 à Brunoy (91/Essonne) et décédé le dimanche 13 février 2011 à Aix-en-Provence (13/Bouches-du-Rhône), Jean Boulet est un pilote d’essai d’avions et d’hélicoptères, célèbre pour avoir battu 17 records et, en particulier, le record mondial d’altitude en hélicoptère (sur Lama en 1972), toujours valable en 2021. Il est diplômé de Polytechnique et de Sup Aéro, et l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’aviation.

JEUNESSE ET SERVICE MILITAIRE

En 1940, il entre à l’École polytechnique, dans la même promotion qu’André Turcat, puis, de 1942 à 1944, suit les cours de l’École nationale supérieure de l’aéronautique et de l’espace (SupAéro).

En 1944, il rejoint l’armée de l’Air de la France libre et, dans le cadre des accords passés entre le Gouvernement provisoire et les États-Unis d’Amérique, se porte volontaire pour apprendre à piloter Outre-Atlantique. Là-bas, il passe son brevet de pilote de chasse en février 1946, tout d’abord sur Boeing-Stearman, puis sur North American T-6 Texan et, enfin, sur Republic P-47 Thunderbolt.

Février 1945 / Le pilote de l’armée de l’Air française est en stage aux États-Unis sur PT-13 (référence).

FORMATION SUR HÉLICOPTÈRES

Démobilisé, il quitte le service actif en 1947 pour rentrer à la Société nationale de construction aéronautiques du Sud-Est (SNCASE) en tant qu’ingénieur-pilote. Jacques Lecarme, le directeur des essais en vol, le charge des essais hélicoptères. Il retourne donc aux États-Unis d’Amérique pour se former sur les aéronefs à voilure tournante.

Il effectue son premier vol sur Sikorsky S-51 mais une erreur de pilotage de l’instructeur entraîne la destruction de l’appareil. Sorti indemne de l’accident, il part pour une autre école et y décroche le brevet de pilote d’hélicoptère le lundi 23 février 1948. Il est alors le huitième pilote français à obtenir cette qualification de la part de la Federal Aviation Administration (FAA).

PILOTE D’ESSAIS DE LA SNCASE ET DE LA SNCAN

Une fois son brevet en poche, Jean Boulet revient en France, où entretemps les hélicoptères SE.3000 et SE.3101 ont été développés. Les essais sont d’abord confiés à Henri Stackenburg, pilote d’essais spécialiste des autogires. Cependant, lors du premier essai du SE.3101, même avec le moteur à pleine puissance, l’appareil ne décolle pas. Jacques Lecarme propose à Jean Boulet, plus léger de 15 kg, d’essayer. Lors de cet essai, il le fait décoller de 30 cm et reste en stationnaire pendant 15 minutes.

Lors des essais suivants, il est décidé, au vu des bonnes performances en stationnaire, d’entreprendre des essais en translation, mais alors que l’appareil dépasse 40 km/h, il se cabre sans que Jean Boulet puisse le stabiliser. Finalement, à seulement quelques mètres du sol, l’appareil redevient contrôlable, et il parvient à le poser à plat mais avec une vitesse arrière de 20 km/h. La conception de l’appareil étant déficiente, il fut modifié et les essais purent reprendre. À peine trois mois après le premier vol du SE.3101, Jean Boulet est chargé du premier vol du SE.3000 et, en 1949, il présente officiellement le SE.3101 au meeting d’Orly.

Juin 1948 / Démonstration du prototype de l’Alouette sur la base aérienne de Villacoublay (référence).

En 1950, Jean Boulet est prêté à la Société nationale de construction aéronavale (SNCAN) pour effectuer les essais de l’hélicoptère expérimental Nord 1710, cet appareil a la particularité d’avoir une hélice soufflant vers l’arrière sur des empennages verticaux et horizontaux en lieu et place d’un rotor anti-couple. L’appareil effectue son premier vol le samedi 1er juillet 1950 à Montesson mais, au cours du 11e vol l’appareil s’écrase, et le pilote s’en sort indemne.

En 1951, la SNCASE s’installe à Marignane (13/Bouches-du-Rhône) et rappelle Jean Boulet pour le charger des vols de réception des avions De Havilland Vampire et Venom/Aquilon qu’elle produit sous licence. Il effectue d’abord un stage sur avion à réaction au Centre d’essais en vol et obtient le brevet n° 122 en 1952. Le vendredi 23 janvier 1953, chargé, pour la réception de l’Aquilon n° 98, d’effectuer une série de décrochages, il part dans une vrille incontrôlable et doit utiliser son siège éjectable. Il est alors le premier pilote français à avoir la vie sauve grâce à cet équipement.

LA GRANDE AVENTURE DES ALOUETTES

Le vendredi 1er mai 1953, il devient chef de base de Buc (78/Yvelines) où est installé le département hélicoptères.

Des essais prometteurs

Le nouvel hélicoptère SE.3120 Alouette, équipé d’un moteur Salmson 9NH avait fait son premier vol le mardi 31 juillet 1951. Les défauts de jeunesse de l’appareil ont été résolus quand il en prend les commandes le jeudi 2 juillet 1953 pour un parcours Buc-Étampes-Rambouillet-Buc, qu’il réalise en un temps record de 252,57 km en 3 h 56, soit à la vitesse de 107,19 km/h, devenant ainsi détenteur de ses premiers records du monde. Il bat alors les records détenus jusque-là par un Sikorsky H-5. En 1954, alors que la SNCASE vient d’obtenir la licence de fabrication du Sikorsky S-55, il s’occupe de l’instruction sur cet appareil en compagnie de Gérard Henry.

Essais en haute altitude et en haute montagne

Le samedi 12 mars 1955, Jean Boulet effectue le premier vol de l’hélicoptère Alouette II. Avec Charles Marchetti, le créateur de cet appareil mythique, il enchaîne alors les essais et, le lundi 6 juin 1955, en solo, atteint l’altitude de 8 209 m au-dessus de Buc.

Les essais se poursuivent en haute montagne pour vérifier le comportement des turbines en atmosphère raréfiée en oxygène et en conditions météorologiques difficiles.

En 1956, Jean Boulet et Henri Petit sauvent un alpiniste au refuge Vallot (massif du mont Blanc) à 4 362 m d’altitude. Ils remettent ça l’année suivante en redescendant les corps de Vincendon et Henry à Chamonix (74/Haute-Savoie) à l’aide de deux Alouette II. Il recevra d’ailleurs la Médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement pour cette action.

Deux Alouette II décollent de Chamonix et, en huit rotations, descendent les rescapés du refuge Vallot (référence).

Essais de la turbine Astazou/Essais de l’Alouette III

En 1957, la SNCASE devient Sud-Aviation et, en 1958, cette société crée une nouvelle version de l’Alouette II, désignée SE.3150. Celle-ci, équipée d’une turbine Astazou – qui équipera plus tard l’Alouette III – permet à Jean Boulet de battre de nouveaux records.

Ainsi, le vendredi 13 juin 1958, il atteint 10 984 m d’altitude et bat les records de montée à 3 000 m, 6 000 m et 9 000 m, ce dernier étant d’ailleurs toujours invaincu.

Le samedi 28 février 1959, il fait décoller pour la première fois le prototype de l’Alouette III et, en octobre 1960, il se rend en Inde avec le second prototype pour le présenter au gouvernement indien. Dans ce pays, il effectue plusieurs essais et réalise la performance d’atterrir sur le mont Deo Thiba (6 004 m), dans l’Himalaya, avec trois personnes à son bord et 250 kg de matériel.

FRELON, SUPER FRELON ET PUMA

Après l’échec du SE.3200 Frelon, Sud-Aviation développe le SE.3210 Super Frelon. Le vendredi 7 décembre 1962, Jean Boulet lui fait faire son premier vol.

7 décembre 1962 / Essais du prototype du Super Frelon SE-3210_01 (référence).

Le mardi 23 juillet 1963, accompagné de Roland Coffignot, il établit deux nouveaux records de vitesse sur un Super Frelon modifié par l’aérodynamicien Marcel Riffard. Ensemble, ils atteignent ainsi 350,47 km/h en ligne droite et 334,28 km/h sur un circuit fermé de 100 km.

En avril 1965, c’est au tour du SA.330 Puma d’effectuer son premier vol entre les mains de Jean Boulet, puis en avril 1967, du prototype de la Gazelle désigné SA.340-01. Celui-ci sera bientôt modifié pour recevoir le fenestron inventé par René Mouille.

L’ÉQUIPÉE DES LAMA

Le lundi 17 mars 1969, c’est au tour du SA.315 Lama (une Alouette II équipée, entre autres, de la turbine et du rotor de l’Alouette III) d’effectuer son premier vol, avec Jean Boulet aux commandes.

Le mercredi 21 juin 1972, c’est aux commandes d’un Lama spécialement allégé (pas de second siège, ni de porte, juste le strict minimum pour piloter) qu’il établit un nouveau record d’altitude à 12 442 m, record toujours d’actualité.

Vidéo : https://www.capital.fr/conso/decouvrez-en-video-le-record-daltitude-en-helicoptere-1370181 

Lors de la descente le moteur s’éteint, il descend alors en autorotation pendant près d’une demi-heure, établissant ainsi un nouveau record, celui-ci ne pouvant être validé faute d’avoir été prévu.

DERNIERS DÉFIS

En 1974 et 1976, Jean Boulet change de domaine et essaie des hydroptères, les H 890 et H 891. Il s’agit de maquettes pour des projets plus lourds. Malgré des essais concluants, le projet est abandonné faute de crédits1,2.

En 1975, il prend sa retraite après avoir effectué plus de 9 000 heures de vol, dont 8 000 sur hélicoptères, et la majorité en essais. Il reste tout de même chargé de mission auprès de la direction d’Aerospatiale jusqu’en 1983.

En 1979, il remporte la Coupe Henri-Bories à Deauville avec Dominique Orbec hélicoptère Aérospatiale AS 350 Écureuil.

Il décède le dimanche 13 février 2011 à 23 h 30 dans sa résidence à Aix-en-Provence, à l’âge de 90 ans.

Jean Boulet aura marqué la seconde moitié du XXe siècle en testant les prototypes de la plupart des hélicoptères français (référence).

DÉCORATIONS/DISTINCTIONS

Tout au long de sa carrière, Jean Boulet se voit conférer de nombreuses décorations :

  • 1956 : Légion Honneur, Chevalier.
  • 1956 : Ordre du Mérite civil, Chevalier.
  • 1957 : Médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement.
  • 1957 : Médaille de l’Aéronautique.
  • 1961 : L’Association des Journalistes Professionnels de l’Aéronautique et de l’Espace (AJPAE) lui décerne le prix Icare.
  • 1973 : Légion Honneur, Officier.
  • 1974 : Grand prix de l’Association aéronautique et astronautique de France.
  • 1975 : Grande médaille d’or des Vieilles tiges.
  • 1976 : Pilot of the Year de la Helicopter Association of America.
  • 1979 :  Vice-président de l’ American Helicopter Society.
  • 1981 : Président fondateur du Groupement français des hélicoptères.
  • 1982 : Prix de la Commission histoire, arts et lettres de l’Aéro-Club de France (ACF).
  • 1983 : Membre de l’Académie de l’air et de l’espace.
  • 1984 : Trophée Sir Richard Fairey décerné par le Prince Andrew au Royal Club d’Angleterre.

NOTES ET RÉFÉRENCES

  • Jean-Luc Ganivet, Jean Boulet n’est plus avec nous [archive], helicopassion.com, février 2011 (consulté le 18 février 2011).
  • Jean-Marie Potell, Jean Boulet : Pilote aux 17 records du monde [archive], helico-fascination, 26 mai 2009 (consulté le 18 février 2011).
  • Daniel Liron, Les hélicoptères français : de la SNCASE à Eurocopter – SNCASE SE 3101 [archive], aerostories.free.fr, 2001 (consulté le 20 février 2011).
  • B. Parmentier, S.N.C.A.N. Nord 1710 [archive], aviafrance, 2004.
  • Pierre Gillard, Alouette et Lama : Chroniques [archive], 2011.
  • (en) History of Records: Jean Boulet [archive], Fédération aéronautique internationale (consulté le 20 février 2011).
  • Jean Boulet, Gérard Henry et Jean-Marie Potelle, Le Drame Vincendon et Henry [archive], helico-fascination, 28 août 2008 (consulté le 20 février 2011).

BIBLIOGRAPHIE

  • In Memoriam Jean Boulet, Le Fana de l’Aviation, no 496 S,‎ mars 2011, p. 7.

Éléments recueillis par Bernard Amrhein

SOURCES

  • Jean Boulet
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Boulet
  • L’histoire du pilote d’essais, Jean Boulet
https://maquettes-missiles.blogspot.com/2017/03/lhistoire-du-pilote-dessais-francais.html

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